b. Un discours favorable à la diversité. Conseil de l’Europe la cité interculturelle pas à pas
44
La cité interculturelle pas à pas
Les dirigeants et les personnels doivent être très bien informés de la situation de la ville en matière de diversité et connaître l’influence exercée par la diversité à l’échelon local, notamment sur le marché du travail, l’économie, les services et la vie culturelle. De nombreux outils peuvent servir à cette fin, comme la réalisation d’une analyse contextuelle, d’un état des lieux ou d’une enquête ou l’identification d’initiatives
réussies, pour n’en citer que quelques-uns. L’idéal serait que ces travaux de recherche soient entrepris au niveau local par des professionnels habitués à travailler sur ces questions (universités, groupes d’experts, etc.).
En collaborant avec les associations locales d’immigrés ou d’autres organisations de la société civile, la plupart des villes devraient pouvoir s’appuyer sur une base solide et acquérir les compétences à partir desquelles elles pourront ensuite élaborer des politiques et des discours sur l’interculturalité et l’atout que représente la diversité.
Les thèmes centraux et le message de la campagne doivent être décidés en lien avec les principales parties prenantes et être très clairs et brefs.
La campagne doit être soigneusement planifiée (contexte, audiences, messages, activités, responsabilités et budget).
Les villes doivent avoir une bonne connaissance de base des principes de la communication, par exemple comprendre la différence entre le message et les slogans, leur fonction respective et comment tous ces éléments peuvent contribuer à renforcer et
à transmettre un discours fort. Un renforcement des capacités des villes en matière de campagnes de sensibilisation publique est nécessaire pour les aider à acquérir la maîtrise des techniques et outils qui les aideront à élaborer des activités et des campagnes plus efficaces. Notons que si ces connaissances techniques sont nécessaires, cela ne remplace pas une vision politique en la matière, qui doit exister au préalable.
Les activités de campagne doivent pouvoir diffuser les messages auprès des audiences cibles, notamment les activités encourageant les contacts humains et mettant l’accent sur le vécu, sur les aspects humains. Des messages fondés sur des histoires personnelles fonctionnent mieux que des statistiques ou des énoncés abstraits.
Les campagnes fonctionnent bien dans les médias lorsqu’elles peuvent servir de support au débat en fournissant vision politique, chiffres, récits forts et émouvants. Les villes doivent apprendre à rassembler ce type de données et définir une stratégie de communication en direction des médias.
Construire la cité interculturelle
Les villes doivent être conscientes des ressources nécessaires à la mise en œuvre de telles initiatives, et rester rationnelles ; il faut également s’acquitter des procédures administratives et financières requises pour obtenir des financements de l’Union européenne. La réalisation de campagnes nécessite une expertise locale concernant les techniques de la communication et les questions traitées, et l’appui administratif doit
être efficace.
Pour évaluer l’impact des campagnes en faveur de la diversité et des politiques inter culturelles sur l’opinion publique, il est indispensable de mener des enquêtes
régulières.
2627
Exemples
En invitant les résidents étrangers ou les personnes issues de l’immigration à intervenir lors de fêtes officielles de la ville (Neuchâtel), en décorant une école de manière symbolique avec le pilier d’une mosquée du Pakistan et les lettres des alphabets de toutes les langues parlées dans la ville (Oslo), en invitant des immigrés à participer à des fêtes traditionnelles à caractère culturel, comme la préparation des carnavals (Tilburg, Patras), ou en adoptant un langage non stigmatisant
(« nouvelle génération » au lieu de « troisième génération » – Reggio d’Emilie), la collectivité fait un geste symbolique d’acceptation et d’ouverture à la « transfusion interculturelle ».
Pour aller plus loin
En ce qui concerne les processus, l’approche Open Space Technology (forum ouvert) donne des conseils utiles pour tenir des réunions productives axées sur l’élaboration d’une vision commune, y compris si les participants se rencontrent pour la première fois et ont des points de vue très divergents
26
.
York, ville inclusive : nous avons là un bon exemple d’un processus d’élaboration d’une vision commune qui cristallise le débat sur la paupérisation et cherche à rassembler 27 .
26. www.openspaceworld.org/.
27. www.jrf.org.uk/knowledge/findings/summary/353.asp.
45
Note de bas de page en blanc du tableau
-5 sur le §
46
La cité interculturelle pas à pas
2. Préparer une stratégie interculturelle
Les stratégies municipales interculturelles ne peuvent se limiter à des politiques
d’appoint uniquement inspirées de ce qui s’est fait par le passé (même si l’on s’appuie sur les atouts évidents et les bonnes pratiques de la ville). Elles doivent être transfor-
matrices, viser à modifier profondément la culture civique, la sphère publique et les institutions elles-mêmes. L’objectif est un changement qualitatif des relations – entre les
élus, les institutions, les particuliers et les différents groupes d’habitants.
Toutes les stratégies de la ville auront ainsi une visée commune : rendre possibles et encourager les échanges d’idées et les interactions culturelles afin de stimuler l’innovation, la croissance et les liens entre les cultures, la population et les autorités, dans l’intérêt de tous.
Les stratégies interculturelles doivent s’appuyer sur les domaines et activités dans lesquels les relations sont positives ; cependant, elles ne devraient pas ignorer les conflits interculturels ou les laisser sans réponse. Inévitable, le conflit, s’il est bien géré, peut devenir source de créativité, d’enrichissement et d’apprentissage mutuel pour toutes les parties prenantes, y compris les autorités municipales.
a. Mettre en place des structures de direction et de gestion
i. Désigner un acteur politique : construire une vision interculturelle à l’échelle de la ville offre une occasion d’identifier, dans tout le système municipal, des « champions » interculturels, qui pourront faire office d’ambassadeurs et favoriser eux-mêmes les changements au niveau des autres agents, élargissant ainsi la portée de l’initiative.
L’expérience montre que, dans certaines villes, l’adjoint au maire a un rôle actif et se mobilise sur le terrain, tandis qu’ailleurs il pourra rester au second plan. La seule chose qui compte ici est l’existence d’un lien clair entre le projet et les élus locaux.
ii. Désigner un agent municipal coordinateur et principal responsable de la gestion du programme ICC. Dans l’absolu, cet agent devrait rendre compte directement au responsable politique en charge de la stratégie ICC, mais il pourrait également avoir sa place au sein même du service. Dans certains cas, en effet, un partenariat entre
Construire la cité interculturelle deux responsables donne de bons résultats. A Oslo, l’expert municipal en matière de diversité travaille en lien avec l’expert en matière d’éducation (l’axe prioritaire de la ville pour l’action interculturelle). A Neukölln, l’expert en matière de diversité travaille en lien avec le spécialiste des relations internationales.
iii. Les personnalités politiques et les personnes ayant officiellement un rôle dirigeant ne sont pas les seules à pouvoir donner des impulsions. On trouvera aussi des acteurs engagés et intéressés par cette initiative dans les différents départements et services municipaux, parmi les fonctionnaires chargés des services communautaires et au sein des ONG et des communautés. Ces acteurs pourront être rassemblés dans un Forum des champions ou groupe d’appui pour contribuer
à l’élaboration de la stratégie interculturelle municipale et apporter leur aide et leurs conseils au moment de la mise en œuvre. Ils feront notamment part de leurs
réactions et commentaires concernant les répercussions pratiques sur le terrain.
Il pourra être demandé à certains d’entre eux de prendre en main des volets ou des projets spécifiques de la stratégie interculturelle, ce qui permettra d’enrichir et d’élargir les prises de responsabilité. Un programme de formation et de perfectionnement des compétences pourra aussi être proposé aux membres du forum. Cela permettra à la ville de se doter des ressources nécessaires aux fins des diverses interventions projetées, par exemple en matière de médiation interculturelle.
iv. Constituer une task force interne dans laquelle les différents services seront largement représentés. Les participants proviendront donc de plusieurs services, voire
également d’ONG et d’associations professionnelles. Ils ne seront pas nécessairement choisis en fonction de leur position hiérarchique ou des caractéristiques de leur emploi, mais fondamentalement en raison de leur motivation personnelle et de leur attachement aux questions interculturelles. Le projet ne doit pas être géré uniquement par des personnes ou des bureaux dont l’expérience en matière de diversité et d’intégration est déjà attestée. Il doit s’élargir aux services qui exercent une influence en matière d’interculturalité mais n’ont pas encore d’action cohérente dans ce domaine.
Conseil
L’expérience montre que les programmes ICC les plus efficaces font appel à la participation d’un grand nombre de personnes et de groupes d’intérêt. Créer l’assise
47
48
La cité interculturelle pas à pas d’un réseau aussi large n’est pas facile ; il y a toujours des périodes où une opposition se fait jour et où l’on a l’impression que les choses n’avancent pas. Il pourrait
être tentant de limiter la participation au processus ICC à quelques participants connus et de toute confiance. Ce serait une erreur. La compréhension, le soutien et l’engagement actif d’un vaste éventail de parties prenantes sont des conditions préalables indispensables si l’on veut commencer à créer des synergies, entamer une nouvelle réflexion et parvenir à mettre en place les innovations qui font toute l’efficacité de ce processus.
Exemples
A Lyon, une plate-forme collaborative composée de quatre adjoints au maire a
été créée pour élaborer et superviser la stratégie interculturelle, et un Groupe d’initiatives pour l’égalité dans la ville (Gipev) a été mis en place en vue de mener des réformes. Une enquête auprès de la société civile et des praticiens, et plusieurs réunions de consultation ont été organisées afin de définir l’impact que la diversité a nécessairement sur les politiques municipales.
Certaines villes associent d’emblée des consultants extérieurs au conseil municipal aux travaux du groupe de travail. Melitopol (Ukraine) travaille depuis le tout début main dans la main avec l’ONG dénommée « La démocratie par la culture ».
Ijevsk (Fédération de Russie) a organisé deux séminaires d’introduction afin d’examiner les perspectives et le format du programme Cités interculturelles. Un groupe de travail a ensuite été établi en vue d’élaborer une stratégie. Il comprend actuellement plus de 50 personnes qui participent directement aux discussions et aux activités de planification en cours, et quelque 250 autres personnes pouvant être définies comme des observateurs intéressés.
b. Etablir un état des lieux des problèmes et des enjeux interculturels
Le manque de données est souvent un écueil, mais cela ne devrait pas empêcher la municipalité de rassembler rapidement des connaissances et éléments d’information en quantité et de qualité suffisante pour pouvoir élaborer une stratégie et prendre des
Construire la cité interculturelle mesures. Une approche d’évaluation rapide pourra être utile. Cette démarche consiste
à consulter les principaux spécialistes, les parties prenantes et les personnes travaillant en lien étroit avec les communautés, et à les rassembler pour établir la cartographie des enjeux les plus brûlants pour la ville. Les villes peuvent puiser dans la richesse des connaissances informelles disponibles au sein des communautés, chez les ONG et les personnes travaillant dans les quartiers concernés, et chez les employés municipaux qui fournissent des services à différents publics, en particulier les personnels des services culturels, des services sociaux, du logement et de l’éducation. On pourra aussi faire appel aux connaissances d’autres employés municipaux issus de minorités.
Une cartographie des enjeux interculturels ne doit pas ignorer les besoins et aspirations de la population autochtone défavorisée sur le plan socio-économique, qui pourra aussi se sentir victime d’une discrimination et marginalisée. Il est largement attesté que ces groupes peuvent avoir l’impression d’être des laissés-pour-compte lorsque l’accent est mis sur les communautés minoritaires. Un tel sentiment peut exacerber les tensions interculturelles. La stratégie interculturelle municipale doit donc explicitement considérer la manière dont ces groupes sont pris en compte, et veiller à ce qu’il soit répondu à leurs besoins.
Outre les enjeux propres à chaque ville, il existe des problématiques communes qui peuvent générer des tensions et problèmes. Citons le logement, la scolarisation et l’enseignement, l’emploi, ainsi que des questions liées à la religion, comme l’établissement de lieux de culte. Il existe aussi des possibilités de renforcement de la contribution culturelle et des interactions dans le secteur culturel et le commerce, étant donné l’esprit d’entreprise de nombreux groupes immigrés minoritaires.
i. Mener un examen préliminaire interne : chaque ville a un ensemble unique de politiques et pratiques déterminé par son contexte national et historique, et par ses priorités actuelles. Il est essentiel de s’interroger : « Pourquoi agissons-nous de telle ou telle façon et pas comme cela ? » Ce sera une occasion de familiariser les membres de la task force avec la notion de cité interculturelle et de les encourager à examiner l’incidence des politiques que mène la ville sur les perceptions mutuelles et les relations entre communautés.
Si les pouvoirs publics ne disposent pas d’informations adéquates sur les organisations, initiatives, manifestations, décisions, accords, résultats ou d’autres données pertinentes pour le programme d’intégration interculturelle, il est utile de
49
50
La cité interculturelle pas à pas demander l’élaboration d’un premier état des lieux qui servira de base à la constitution du Forum des champions et d’autres groupes de travail, et qui permettra de structurer le débat. Un tel état des lieux a par exemple été établi par un expert
à la demande de la ville de Limassol (Chypre). Cet exercice s’est avéré très utile pour identifier les personnes et organisations compétentes, cerner les problèmes et enjeux, mais aussi pour mettre en valeur les réussites
28
. ii. Repérer les innovateurs et médiateurs interculturels et les impliquer dans l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie interculturelle.
Le plus probable est que la stratégie interculturelle s’appuie sur les travaux menés précédemment par la ville en matière d’intégration et sur les relations établies avec les associations d’immigrés et de minorités. De telles organisations sont certes une ressource clé et un pilier des politiques interculturelles locales. Cependant, la plupart d’entre elles ont une propension naturelle à appeler à la mise en place de politiques, initiatives et ressources soutenant l’expression et la transmission de la culture de la communauté qu’elles représentent ; elles agissent donc comme des gardiens de la culture. Pour favoriser les relations interculturelles, la confiance et la coopération, il faut mettre l’accent sur les structures, les interventions et les ressources qui rapprochent les personnes, au-delà des frontières culturelles. Pour ce faire, l’implication de personnes ayant une compréhension de plus d’une culture, une ouverture culturelle et une vision du développement interculturel est indispensable. Il existe de telles personnes au sein de toute organisation. L’important est de les découvrir et de leur confier des responsabilités accrues en les invitant
à participer à des réunions, des groupes de travail, et en leur attribuant des tâches spécifiques.
La plupart des responsables municipaux qui traitent des questions relatives à la diversité et à l’intégration connaissent probablement ces personnes mais, dans les plus grandes villes, ou s’ils sont nouveaux à ce poste, il peut être utile d’utiliser une méthode simple élaborée par la fondation Ashoka, qui recherche des entrepreneurs sociaux et leur offre un soutien. Pour repérer les acteurs de changement potentiels, les prospecteurs d’Ashoka demandent à de nombreuses personnes si elles connaissent quelqu’un ayant tel ou tel profil. Les noms qui reviennent le plus souvent sont ensuite inscrits sur la liste des candidats sélectionnés.
28. www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/culture/Cities/Limassolmapping.pdf.
Construire la cité interculturelle
Un aspect très important est que les personnes qui dirigent le processus se plongent dans la vraie vie et dans les activités des organisations qui traitent des questions interculturelles, ou travaillent auprès de publics divers. Il est tout simplement impossible de comprendre les dynamiques interculturelles, les récits et histoires, les acteurs et les relations qui se créent depuis un bureau, en lisant des rapports ou en participant à des réunions : les dirigeants et coordinateurs interculturels doivent aller sur le terrain
(marchés, places, manifestions) et découvrir de première main le fonctionnement des organisations. Ils doivent savoir écouter, observer, prendre le pouls de la communauté
29
.
L’élégance de l’interculturalité
Le concept de cité interculturelle est conçu pour être élégant – ce qui signifie qu’il aborde des questions et des défis d’une façon organique, spontanée, construisant
à partir de l’énergie et de l’imagination d’innovateurs interculturels et de citoyens ordinaires plutôt qu’en appliquant des plans, des règles inflexibles ou en ajoutant de nouvelles structures et des procédures. Il est élégant parce qu’il cherche les solutions qui exigent le moins d’énergie et de ressources pour un impact maximal, en traitant les causes sous-jacentes et en tirant les principales manettes – à l’image de la mise en mouvement d’une série de dominos. Mais avant de prendre le modèle de la série de dominos ou de trouver les bonnes manettes, il est essentiel d’observer, d’écouter, d’analyser les causes profondes de chaque question plutôt que d’aller directement vers des solutions plus rapides. Pour arriver à des solutions élégantes, il est souvent nécessaire d’arrêter de faire certaines choses et d’éviter l’inutile complexité. On peut se référer à une lecture excellente sur le thème de l’élégance :
Matthew E. M., In Pursuit of Elegance: Why the Best Ideas Have Something Missing,
Crown business, New York, 2009.
Dans son étude de 2006, Jude Bloomfield affirme que de nombreuses personnes innovent dans leur domaine grâce à leur origine interculturelle. Un principe essentiel de l’initiative des cités interculturelles est que la diversité, si elle est convenablement valorisée, est une ressource déterminante pour le développement d’une ville. D’après l’étude, ces innovateurs interculturels ont su gérer et utiliser judicieusement leur diversité culturelle pour réussir dans leur domaine d’activité. L’étude
émet l’hypothèse suivante : les personnes interculturelles, parce qu’elles ont dépassé
29. www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/culture/cities/Publication/
ProfileInterculturalInnovators.pdf.
51

Публичная ссылка обновлена
Публичная ссылка на ваш чат обновлена.