Christian Lassure
La pierre sèche,
mode d’emploi
© Groupe Eyrolles, 2008
ISBN : 978-2-212-12224-4
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L a
p i e r r e
s è c h e
:
v i e ,
m o r t
e t
r e n a i s s a n c e
La pierre sèche :
vie, mort et
renaissance
Très prosaïquement, la « pierre sèche », en maçonnerie, n’est que
l’emploi de la pierre, brute ou ébauchée, sans mortier à liant.
L’homme de l’art parle de « maçonnerie à pierres sèches ».
Naguère, la pierre sèche a été le matériau de choix non seulement
de murs non porteurs (de clôture, de séparation, d’épierrage) et de
murs de soutènement (de terrasses, de chemins) mais aussi de murs
porteurs (d’annexes agricoles, d’abris ruraux).
Aujourd’hui, la pierre sèche fascine, tant par sa pérennité dans le
paysage que par les perspectives ouvertes par son renouveau. Mais
elle vient de loin.
Les murailles et cabanes qui parsèment nos friches sont le conservatoire des techniques de construction à sec élaborées et perfectionnées par des paysans et des maçons ruraux, principalement lors
du « siècle d’or » de l’architecture de pierre sèche.
Depuis les défrichements encouragés par les édits royaux à la fin de
l’Ancien Régime jusqu’à la création de vignobles commerciaux sous
le Second Empire, en passant par le lotissement des communaux
villageois après la Révolution, la création de champs et de cabanes
alla bon train, poussée par la faim de terre liée à une démographie
galopante, et par les débouchés que procurait l’amélioration des
voies de communication.
Des techniques de couvrement, issues des architectures savantes,
furent librement adaptées à la création d’un outil de production
et d’un habitat saisonnier par ces nouveaux défricheurs-bâtisseurs,
confrontés aux masses de pierre livrées par la barre à mine : ainsi
l’omniprésente voûte d’encorbellement, ingénieusement combinée
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à l’inclinaison des corbeaux vers l’extérieur ; les déclinaisons rustiques de la voûte et de l’arc clavés ; les subtils systèmes de décharge
au-dessus des entrées. Des murs sans une once de mortier, mais aux
pierres agencées avec soin pour supporter des voûtes de plusieurs
dizaines de tonnes, furent mis au point.
Vers 1880, le mouvement de construction commença à décliner,
sous les coups de l’exode rural et des maladies de la vigne, pour
s’arrêter après la Grande Guerre dans des campagnes vidées de
leurs hommes.
À peine un demi-siècle plus tard, dans les années 1970, le savoirfaire des bâtisseurs de l’âge d’or était déjà perdu lorsque se fit jour,
chez les générations de l’après-guerre, un intérêt tant pour l’étude
et la préservation des vestiges matériels où ce savoir-faire s’était
concrétisé que pour la redécouverte et la vulgarisation des techniques de la pierre sèche avec les premiers essais de construction
expérimentale.
Cet intérêt se renforça peu à peu, de 1980 à 2000, par la multiplication de stages d’initiation et de restauration pour déboucher sur
la publication de manuels.
Désormais, l’engouement pour la pierre sèche gagne un public
croissant : particuliers restaurant une cabane sur leur propriété ;
associations balisant un « sentier des cadoles » sur leur commune ;
municipalités édifiant une réplique de cabane en pierre sèche dans
le jardin communal ; artisans-maçons et paysagistes construisant
des murs en pierre sèche à la demande.
Mais souvent l’amateurisme prime encore sur le respect des règles
de l’art, aussi est-il important de proposer aux intéressés un ouvrage
qui leur donne les rudiments de la spécialité et leur signale les
pièges à éviter.
Si désormais l’acquisition des techniques de la pierre sèche est à
la portée du grand public, il faut toutefois savoir qu’un manuel ne
dispensera pas ces ingrédients essentiels que sont le temps, la persévérance et surtout la pierre, indispensable en grande quantité.
Quant aux vestiges du « siècle d’or », ils resteront une source
d’inspiration pour les tenants d’un aménagement harmonieux des
paysages.
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